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Orthophonie et troubles Dys : rôle et moment pour consulter

L’orthophonie est une discipline paramédicale spécialisée dans l’évaluation et la prise en charge des troubles de la communication, du langage oral et écrit, de la voix et des fonctions oro-myo-faciales. Face aux troubles Dys (dyslexie, dysphasie, dyspraxie, dyscalculie), l’orthophoniste joue un rôle tant dans le diagnostic que dans le suivi thérapeutique.

Ces troubles neurodéveloppementaux, qui touchent environ 8% des enfants scolarisés, nécessitent une détection précoce et une intervention adaptée. L’orthophoniste constitue souvent le premier professionnel consulté lorsque des difficultés d’apprentissage ou de langage sont constatés, et devient un partenaire essentiel dans le parcours de soin de l’enfant Dys.

Sa double expertise – évaluation précise des compétences langagières et mise en place de techniques de rééducation adaptées – en fait un acteur incontournable pour permettre à l’enfant de développer des stratégies compensatoires efficaces et d’accéder aux apprentissages malgré ses difficultés spécifiques.

 

Quand faut-il consulter un orthophoniste ?

Signes d’alerte selon l’âge

Les manifestations qui doivent inciter à consulter un orthophoniste varient selon l’âge de l’enfant :

Avant 3 ans :

  • Absence ou pauvreté du babillage
  • Retard d’apparition des premiers mots (après 18 mois)
  • Difficultés de compréhension des consignes simples
  • Absence d’association de deux mots vers 24 mois

Entre 3 et 5 ans :

  • Langage peu intelligible ou très simplifié
  • Difficultés à raconter un événement vécu
  • Troubles de l’articulation persistants
  • Confusions phonologiques fréquentes
  • Difficultés de mémorisation des comptines ou chansons

À partir de 6 ans :

  • Difficultés marquées dans l’apprentissage de la lecture
  • Confusion de lettres visuellement proches (p/q, b/d)
  • Difficultés à associer lettres et sons
  • Lenteur excessive dans les tâches d’écriture
  • Erreurs phonologiques persistantes en lecture ou en écriture
  • Difficultés à comprendre ou manipuler les concepts mathématiques

La persistance de ces signes malgré un enseignement adapté constitue un indicateur important pour envisager une consultation orthophonique.

Diagnostic et orientation scolaire

La consultation orthophonique s’inscrit généralement dans un parcours diagnostique qui peut être initié par :

  • Les parents, alertés par des difficultés observées à la maison
  • Les enseignants, qui constatent des écarts d’apprentissage en classe
  • Le médecin traitant ou le pédiatre lors d’un suivi régulier
  • Le médecin scolaire ou le psychologue scolaire

Le bilan orthophonique constitue souvent la première étape dans l’identification des troubles Dys. Il permet d’objectiver les difficultés et d’orienter vers d’autres professionnels si nécessaire (neuropsychologue, psychomotricien, ergothérapeute) pour un diagnostic pluridisciplinaire complet.

Les résultats du bilan orthophonique servent également de base pour la mise en place d’adaptations scolaires, comme le Plan d’Accompagnement Personnalisé (PAP) ou, dans les cas plus sévères, le Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS).

À quel moment dans le parcours scolaire ?

Si les difficultés peuvent être repérées dès la maternelle (particulièrement pour les troubles du langage oral), certains troubles Dys ne deviennent vraiment apparents qu’à des moments clés du parcours scolaire :

  • Dyslexie/dysorthographie : généralement identifiées en CP-CE1, lors de l’apprentissage formel de la lecture et de l’écriture
  • Dyscalculie : souvent repérée en CE1-CE2, quand les opérations mathématiques se complexifient
  • Dyspraxie : peut être détectée dès la maternelle (difficultés graphiques) mais devient plus évidente au CP (écriture) ou plus tard (géométrie, organisation)
  • Dysphasie : souvent identifiable dès 3-4 ans par un retard significatif du langage oral

L’idéal est de consulter dès les premiers signes persistants, sans attendre un échec scolaire installé. Une intervention précoce améliore significativement le pronostic et limite l’impact des troubles sur les apprentissages et l’estime de soi.

 

Quel est le rôle de l’orthophonie pour chaque trouble Dys ?

Dyslexie : troubles du langage écrit

La dyslexie se caractérise par des difficultés durables d’apprentissage de la lecture, malgré un enseignement adapté. Face à ce trouble, l’orthophoniste intervient pour :

  • Évaluer précisément les mécanismes de lecture déficitaires (voie d’assemblage, voie d’adressage)
  • Renforcer la conscience phonologique (capacité à manipuler les sons de la langue)
  • Développer la correspondance graphème-phonème (lettre-son)
  • Améliorer la fluidité de lecture par des exercices ciblés
  • Travailler la compréhension de textes
  • Mettre en place des stratégies compensatoires (utilisation d’outils numériques, techniques de mémorisation)

Le suivi orthophonique en cas de dyslexie est généralement assez long (plusieurs années) avec une fréquence hebdomadaire, puis un espacement progressif des séances.

Dysphasie : langage oral et compréhension

La dysphasie affecte l’acquisition et l’utilisation du langage oral. L’orthophoniste prend en charge :

  • L’enrichissement du vocabulaire actif et passif
  • La structuration syntaxique des phrases
  • L’amélioration des compétences narratives
  • Le développement de la compréhension orale
  • Le travail sur la pragmatique du langage (utilisation sociale)
  • L’accompagnement parental pour adapter la communication à la maison

Pour les dysphasies sévères, l’orthophoniste peut également introduire des outils de communication alternative ou augmentative (pictogrammes, gestes).

Dyspraxie verbale : articulation, motricité orale

La dyspraxie verbale concerne spécifiquement la planification et l’exécution des mouvements nécessaires à la parole. L’orthophoniste travaille sur :

  • La motricité des organes bucco-phonatoires
  • La coordination des mouvements articulatoires
  • L’automatisation des séquences phonémiques
  • Le contrôle du débit et du rythme de parole
  • La prosodie (intonation, accentuation)

Cette prise en charge nécessite souvent une approche multisensorielle et des séances intensives, avec un travail quotidien à domicile.

Dyscalculie : langage mathématique

Bien que moins connue, la dyscalculie entre également dans le champ de compétences de l’orthophoniste, qui intervient sur :

  • La construction du nombre et la numérosité
  • La compréhension du système décimal
  • L’acquisition des faits numériques (tables d’addition, de multiplication)
  • La résolution de problèmes mathématiques
  • Les concepts spatio-temporels liés aux mathématiques
  • L’utilisation d’outils adaptés (tableaux de numération, représentations visuelles)

Cette rééducation s’effectue en coordination avec les enseignants pour assurer une cohérence des approches.

Comorbidités (TDAH, TSA)

Les troubles Dys sont fréquemment associés entre eux ou à d’autres troubles neurodéveloppementaux comme le TDAH (Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) ou les TSA (Troubles du Spectre Autistique). Dans ces situations complexes, l’orthophoniste :

  • Adapte ses méthodes aux particularités attentionnelles ou sensorielles
  • Coordonne son action avec les autres professionnels (psychomotricien, ergothérapeute, psychologue)
  • Priorise les objectifs en fonction des besoins les plus impactants
  • Propose des modalités de prise en charge spécifiques (séances courtes, supports visuels renforcés)

Cette approche globale est essentielle pour une efficacité optimale des interventions.

 

Le déroulement d’une prise en charge orthophonique

Le bilan orthophonique

Le bilan constitue la première étape indispensable avant toute prise en charge. Il se déroule généralement sur 2 à 3 séances :

  1. Anamnèse : recueil des informations sur le développement, les antécédents médicaux et familiaux, le contexte scolaire
  2. Évaluation standardisée : tests normés permettant de situer les performances de l’enfant par rapport à sa classe d’âge
  3. Épreuves complémentaires : explorations spécifiques des domaines déficitaires
  4. Synthèse : entretien avec les parents pour exposer les conclusions et les propositions de prise en charge

Ce bilan aboutit à un compte-rendu détaillé qui sera transmis au médecin prescripteur et pourra servir de support pour les aménagements scolaires.

Les séances et outils utilisés

Une fois le bilan réalisé, les séances de rééducation peuvent débuter :

  • Durée : généralement 30 à 45 minutes selon l’âge et les capacités attentionnelles
  • Contenu : exercices ciblés sur les compétences déficitaires, alternant travail à table et activités ludiques
  • Outils : matériel spécifique (jeux éducatifs adaptés, logiciels spécialisés, fiches d’exercices)
  • Approche : souvent multisensorielle, combinant modalités visuelles, auditives et kinesthésiques
  • Travail à domicile : exercices complémentaires à réaliser entre les séances pour renforcer les acquis

L’orthophoniste ajuste constamment ses méthodes en fonction des progrès de l’enfant et des difficultés rencontrées.

Suivi, fréquence et coordination

La prise en charge s’organise dans la durée :

  • Fréquence initiale : généralement 1 à 2 séances hebdomadaires
  • Évolution : espacement progressif en fonction des progrès (séances bimensuelles puis mensuelles)
  • Durée totale : variable selon les troubles (de 1 à plusieurs années)
  • Évaluations régulières : bilans d’évolution pour mesurer les progrès et ajuster les objectifs
  • Périodes de pause : possibles pour éviter la lassitude et évaluer le maintien des acquis

La continuité du suivi est essentielle, même si des pauses peuvent être aménagées, notamment pendant les vacances scolaires.

 

Coordination avec l’école et les autres professionnels

Rôle du médecin scolaire

Le médecin scolaire constitue un pivot dans la coordination des soins et des adaptations :

  • Il valide la mise en place du Plan d’Accompagnement Personnalisé (PAP)
  • Il interprète les bilans des différents professionnels pour l’équipe éducative
  • Il peut orienter vers des consultations spécialisées si nécessaire
  • Il assure le suivi médical de l’enfant en milieu scolaire

L’orthophoniste peut, avec l’accord des parents, communiquer directement avec le médecin scolaire pour faciliter cette coordination.

Coopération avec AESH, enseignants, psychologues

La prise en charge des troubles Dys nécessite une approche pluridisciplinaire :

  • Échanges avec les enseignants : partage des stratégies efficaces, adaptation des supports pédagogiques
  • Coordination avec les AESH : cohérence dans les aides apportées en classe
  • Collaboration avec les psychologues : prise en compte des aspects émotionnels et comportementaux
  • Travail en réseau avec les autres rééducateurs (ergothérapeute, psychomotricien)
  • Participation aux réunions d’équipe éducative ou aux équipes de suivi de scolarisation

Cette collaboration permet d’optimiser les progrès de l’enfant dans tous les contextes de vie.

Importance du lien famille–orthophoniste–école

Les parents jouent un rôle central dans la réussite de la prise en charge :

  • Ils assurent le relais des techniques utilisées en séance
  • Ils font le lien entre l’orthophoniste et l’équipe enseignante
  • Ils soutiennent la motivation de l’enfant au quotidien
  • Ils participent régulièrement aux séances pour s’approprier les méthodes

Un cahier de liaison peut faciliter cette communication tripartite, permettant à chacun de suivre les évolutions et d’adapter ses pratiques.

 

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